Concours "La plante gourmande"
Je vous avais dit : "Je fais une pause mais je vous laisse quelques photos d'automne". Alors? Qu'est-ce que je fais là?
Eve m'a proposé un concours. Je réfléchis un peu : "Et ma pause?". Puis, je me dis : "Je participe, la pause sera pour demain."
Je me suis amusé un peu et voilà :
Dionée et Gédéon.
Elle attend. Depuis des jours, des semaines peut-être, elle l'attend le petit insecte qui va se laisser prendre au piège tendu. Si bien tendu qu'elle en a les mâchoires ankylosées, la petite Dionée. Depuis le temps qu'elle reste la bouche ouverte!
Elle le voit. Depuis des jours, des semaines peut-être, elle le voit tourbillonner autour d'elle. Il s'approche, la nargue et s'éloigne la laissant désespérée. Elle se fait belle, elle s'étire, elle prépare son nectar avec soin, elle croit qu'il ne pourra résister à la tentation de plonger dans ce liquide sucré et s'en régale d'avance. A chaque fois, c'est la même déception.
Voilà bien longtemps qu'elle ne s'est plus mis sous la dent le moindre petit morceau de mouche ou de vermisseau! (Tiens Dionée aurait-elle lu La Fontaine? Dionée n'a pas de voisine chez qui elle pourrait crier famine, malheureusement.) Et ce lépidoptère qui virevolte l'attire comme du miel. Façon de parler bien sûr car, elle, la petite Dionée, ce n'est pas le miel qui l'attirerait mais plutôt une grosse chenille bien grasse!
Elle commence à dépérir, n'a plus la force d'espérer, va bientôt se laisser mourir. Et ce lépidoptère doré, appétissant, bien dodu qui n'en finit pas de se moquer d'elle!
Tout à coup, une larme pointe au bord de ses poils sensibles, elle ne résistera plus longtemps!
Le papillon, de son ciel d'été, voit la larme briller. Il s'approche de la malheureuse plante, la frôle, remonte vers l'azur. Il est intrigué, il n'a jamais vu une plante pleurer. Il redescend, plonge vers l'attrape-mouche de Vénus et ...
Vous croyez connaître la suite? Vous croyez que la petite Dionée n'en fait qu'une bouchée de cet insecte imprudent? Pas du tout...
Pas folle la guêpe! Pardon, pas fou le papillon! Il se pose tout près de la plante qui n'a toujours qu'une envie : attraper et digérer cet invertébré. L'insecte doré regarde Dionée dans les yeux (si si elle a des yeux, minuscules, mais rien n'échappe à l'oeil d'un papillon). La voilà troublée. Mais que ressent-elle en elle? Quelle est cette étrange langueur qui traverse son coeur? (Tiens Dionée a lu Verlaine aussi!) Elle se sent toute chose. Se rend-elle compte à ce moment qu'elle vient de tomber amoureuse? Une plante amoureuse d'un papillon? Pas possible, me direz-vous! On a bien connu un petit poisson amoureux d'un petit oiseau, alors, pourquoi pas? Mais comment s'y prendre?...
Gédéon le papillon ne lui dit rien, pas un mot. Leur silence les rapproche, les emmène, les yeux dans les yeux vers un monde où végétaux et insectes vivent en parfaite harmonie.
Sans faire de bruit, Dionée fait un mouvement, presque imperceptible; elle approche ses mâchoires de l'imprudent qui ne remarque rien. Tout à coup ...
Mais non, elle ne claque pas ses mâchoires sur la tête de l'insecte! Où serait la poésie là-dedans? Vous êtes dans une histoire, un conte, pas la réalité!
Tout à coup, Gédéon s'envole. Il vole de fleur en fleur, plongeant sa tête dans le coeur d'une rose, d'une marguerite, d'une orchidée. Il en ressort tout jaune. Notre papillon repart vers celle qu'il vient de découvrir autrement. Il ne la considère déjà plus comme une chasseuse sachant chasser sans son... (Vous connaissez la suite) mais comme sa muse. Il se place juste au-dessus d'elle et secoue ses ailes. La poudre d'or qui le recouvrait des pieds à la tête (enfin, façon de parler) tombe tout droit dans le bec (enfin la bouche ou les mâchoires, c'est comme vous voulez) de Dionée.
Tout d'abord, elle éternue, cette poudre pique un peu. Puis, elle se lèche, elle goûte cette poussière d'étoile et la trouve à son goût. Qui a dit qu'une plante carnivore devait obligatoirement se nourrir d'insectes? Dionée n'est plus d'accord. A partir de ce jour, elle vivra d'amour et ... de pollen. N'en déplaise aux membres de sa famille. Elle est prête à les renier tous pour garder son ...ami, son ...amour...? (c'est comme vous voulez) !
Eh oui! Je suis comme ça! Il fallait que cette histoire se termine bien, vous n'auriez quand même pas voulu que Dionée avale Gédéon? Vous n'êtes quand même pas si cruels? Et puis, si vous croyez mon histoire invraisemblable, venez faire un petit tour dans mon jardin, vous verrez Gédéon nourrir Dionée avec tant d'amour dans les facettes que vous en aurez les larmes aux yeux (si vous avez un tant soit peu de sensibilité!).
La citation du jour : Qu'il est bon d'écrire quand on n'y est pas obligé! (Philippe D)
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