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Des nouvelles de moi
25 mars 2011

Photos souvenirs

Vous le savez certainement, de temps en temps, je participe à des concours de textes et nouvelles. Je ne gagne pas mais ce n'est pas grave. Il y a beaucoup de participants et peu de gagnants. Le principal est de participer, non?

Alors, cette fois, il s'agissait d'écrire un texte court sur un thème donné "Vingt ans". Voilà ma participation.

 

                Le soleil s’infiltre à travers les persiennes et un rayon se pose sur ma joue. J’ouvre les yeux sur cette nouvelle journée qui s’annonce radieuse. Mon regard s’attarde, une fois encore, sur cette photo accrochée au mur de ma chambre depuis 20 ans.

20 ans. Un instant. Une éternité. Une succession d’événements.  Je me souviens du moment où j’ai pris ce cliché, comment pourrais-je l’oublier ? Tes yeux clos, tes petits poings serrés sur un avenir incertain, ce bonheur qui étouffait mon cœur de père, les yeux humides de ta mère, je me souviens de tout.

1 jour. Tu avais un jour sur cette photo et tout l’avenir devant toi. Nous t’aimions déjà, ta mère et moi, d’un amour incommensurable. Tu naissais à la vie et nous atteignions le Nirvana.

Je me lève avec entrain, le soleil me donne des ailes. Après tous ces jours de pluie, l’astre du jour a décidé d’honorer cet anniversaire de sa présence. Sur le palier, je m’arrête un instant. Mes yeux se posent sur une autre photo.

3 ans. Tu as trois ans sur ce cliché pris devant les grilles de l’école du village par ta mère. Elle avait le cœur gros de te laisser, de t’abandonner à des étrangers pour la première fois.  Toi, tu avais ton petit cartable Disney à la main et un regard apeuré. Des points d’interrogation se baladaient dans tes prunelles. Qu’allait-il se passer ? Pourquoi te laissait-on là, dans cet univers inconnu et si peu rassurant ? Moi, j’étais loin. Mon patron m’avait envoyé à l’autre bout du monde et je n’ai pas assisté à la première journée qui allait changer ta vie. Est-ce que tu m’en as voulu, dis ? Mon cœur se serre encore en repensant à ce moment où tu aurais tellement eu besoin de ma présence.

Je descends les marches qui me mènent au salon. Au milieu de l’escalier, je m’arrête. Une photo attire mon attention.

5 ans. Tu poses, fier comme Artaban, devant ce sapin que, pour la première fois, tu as entièrement décoré toi-même. Je n’étais pas là : le boulot avant tout. On fête aussi Noël à l’autre bout du monde !A ce moment, tu ne le sais pas encore, mais c’est ton dernier Noël en compagnie de ta mère. Le lendemain, c’est le drame : rupture d’anévrisme et tu te retrouves orphelin. Mon cœur explose ! Tu es seul, tu as besoin de moi. Le boulot ne compte plus. J’abandonne tout. Les prochains Noëls, on les passera à deux.  Je quitte mon travail et je deviens écrivain. Dans mes livres, je retrouve ta mère et je décris des scènes qui auraient pu être réelles si le destin en avait décidé autrement. Je n’ai pas dit à ta mère que je l’aimais mais elle le savait, n’est-ce pas ?

Je descends dans le salon illuminé. Une ribambelle de photos orne le mur de chaque côté de la cheminée.

6ans, 7 ans, 8 ans, … J’étais là, à chaque anniversaire. Mes finances ne m’ont plus permis de t’acheter les cadeaux somptueux que je t’offrais quand j’avais un emploi stable et bien rémunéré, mais je t’ai offert tout mon amour, c’est le principal, non ?

18 ans. Au bout du mur, sur cette photo, tu n’es plus seul. Une jeune et jolie demoiselle te tient par la main. Ton sourire est radieux. Derrière vous une ombre se dessine. Celle de ta mère venue savourer ton bonheur ?

20 ans. Aujourd’hui, tu as 20 ans. Je n’écrirai pas une ligne. Ma journée est pour toi. Je ne ferai que penser à toi, que parler de toi. Je te laisse un mot sur la table de la cuisine : « Je t’aime, mon fils. » Je ne te l’ai jamais dit. Il est temps de le faire. Je m’en vais, je me rends au cimetière retrouver ta mère. Je vais lui parler de toi. Je te laisse la maison, un gâteau dans le frigo. Tu souffleras les bougies et Caroline immortalisera l’événement. Tu n’as plus besoin de moi. Je te laisse. A ce soir. Bon anniversaire, mon fils !

La citation du jour : Les ressources que nous offre l'oubli sont le remède le plus sûr à la douleur de la perte. (Jean-Bertrand Pontalis)

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Commentaires
L
Dommage que ton histoire n'a pas remporté le concours. En tous les cas, je la trouve très vraie.
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M
j'ai lu le texte , je l'ai relu et j'ai pris le temps de lire tous les coms ....Je crois que tout a été dit plusieurs fois Emotion et Talent sont souvent évoqués à juste titre .....Mes yeux ont cligné par moment car quelques petites gouttes perlaient aux coins des paupières ....Bises Danielle
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K
Une histoire simple et bouleversante...l'émotion est réelle et communicative, merci Philippe pour cette belle page!
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N
c'est toujours très beau !<br /> continue de nous ravir de tes mots cher ami....
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N
Un trop-plein d'émotions dans ta nouvelle Philippe ! Elle me rappelle "Le crabe", (une des nouvelles de mon recueil, écrite en souvenir de ma grand-mère), de part sa construction (les années qui passent et qui donnent un rythme au texte) et de part le ressenti très poignant du narrateur.
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