Le slam, je me lance
Après vous avoir parlé de façon si positive du slam, je ne pouvais faire autrement que de m'essayer à ce style d'écriture.
J'ai donc écrit un premier texte. C'est un premier, il vaut ce qu'il vaut. Je n'oserai sans doute jamais le lire sur scène, alors, je vous le livre dans l'état où il est sorti de ma plume.
On m’a dit : « Tu vas enseigner
Tu verras, c’est le plus beau des métiers
Entre les grèves et les congés
Tu n’verras pas le temps passer ».
J’me suis donc mis à enseigner
Mais les élèves qu’on m’a donnés
Ne sont pas ceux que j’espérais
Pour la matière, pas d’intérêt
Se foutent des verbes à conjuguer
L’orthographe, pour eux, c’est dépassé
La grammaire, c’est pour mémé
Lire un manga, ça c’est OK
Mais les classiques, faut pas pousser
Rimbaud, Verlaine, vont les jeter
P’t’être bien qu’Coran* vont l’accepter
Ne parlez pas de math, ça les fait gerber
La géographie, ils passent à côté
Quant à l’histoire, c’est du passé … bien dépassé.
Alors oui, j’enseigne et … j’en saigne
C’est fou c’qu’une lettre peut tout changer !
Bon sang, j’perds mon temps
Mes leçons, c’est du vent
Et puis, eux sont mes tourments
Ces p’tits gosses à papa-maman
Pour qu’ils restent tranquilles, faudrait les endormir
Pour les intéresser, autre chose que des souvenirs
Tu peux p’t’être parler d’Harry Potter
Mais tu les brancheras plus sur Justin Bieber
Car leur plus grande préoccupation
C’est la mèche qu’il a sur le front
Mais comment l’inclure dans tes leçons ?
Il t’en faut de l’imagination !
Tu t’coupes en quatre, tu t’creuses la cervelle
Y a rien à faire, tout passe à la poubelle
Tant qu’t’es pas « in », pas à la page
T’es qu’un croûton et ils enragent
Toi, tu te mines et tu déprimes
N’espère même pas avoir une prime
Si t’es malade, prends un congé
Mais n’espère pas être remplacé
Car des instits au chômage
Y en a pas plus que d’arêtes dans le fromage
Un jour, bien sûr, viendra la r’traite
Mais la date, on la repousse sans cesse
Alors t’espère que ta ministre
Comprendra enfin pourquoi t’es triste
Alors t’espère que les parents
Comprendront enfin qu’c’est pas marrant
De suer eau et sang
Pour leurs enfants
Oui, t’enseignes et … t’en saignes
Mais tu restes là parce que tu crois
Qu’un jour les gosses que t’as devant toi
Deviendront quelqu’un, un peu grâce à toi
N’attends pas d’reconnaissance
Mais garde en toi ton espérance
Et enseigne même si tu dois … en saigner !
Signé … un prof … désabusé
*je parle ici de Pierre Coran pas du coran
Maintenant je vais vite me cacher!
J'applaudis à deux mains ceux qui se livrent ainsi, sur scène, tous les mois, devant le public. Je ne pense pas que je pourrais. Les mots risqueraient de rester coincés dans ma gorge.
La citation du jour : On a trempé notre plume et est-ce vraiment une hérésie de se dire qu'on assume et qu'on écrit de la poésie. (GCM)