Concours de nouvelles

Comme chaque année, j'ai participé au concours de nouvelles organisé par "Femmes d'aujourd'hui" et, comme chaque année, me voilà relégué au placard. Mes écrits ne correspondent sans doute pas à leur ligne éditoriale car je n'apprécie généralement pas les nouvelles qui ont été choisies. Tant pis, je continue juste pour le plaisir d'écrire. Un jour peut-être ... qui sait?

Voici donc le texte que je leur ai envoyé. J'ai choisi, cette fois, un fait réel que j'ai réécrit à ma façon. Si vous avez quelques minutes...

- Seul dans le noir…                Un musicien dans le métro                                Texte librement inspiré d’un fait réel L’homme s’installa dans le coin le plus sombre de la station de métro.  Ses vêtements étaient démodés mais propres, ses cheveux bien coupés, son visage noirci par une barbe de trois jours, ses yeux lumineux quoiqu’un peu fatigués. Il déplia sa chaise, déposa sa veste légèrement élimée sur le dossier, retira d’un sac en plastique une baguette de pain et une bouteille de vin rouge à peine entamée puis il s’assit.  Il regarda autour de lui.  Peu de gens encore à cette heure matinale. Quelques personnes descendaient de la rame, les traits tirés, les paupières à demi-fermées.  Quelques travailleurs qui s’en retournaient chez eux, après une nuit de labeur. D’autres personnes entraient dans la station, le regard rempli des rêves hors desquels ils avaient dû s’extirper. C’était le chassé-croisé quotidien des voyageurs : employés, ouvriers ou cadres.  Certains sifflotaient, fredonnaient des airs oubliés ; d’autres, le regard éteint, plongeaient dans la rame avec une répulsion évidente. Aucun de ces travailleurs n’avait jeté un regard à l’homme assis, seul, dans le coin le moins éclairé de la station.  Il craqua un morceau de sa baguette et le mangea tranquillement.  Le morceau avalé, il but un peu de rouge directement à la bouteille.  Quelques gouttes se répandirent sur sa chemise d’un autre âge.  Il s’essuya le menton et plaça un objet sur ses genoux..  C’était un étui un peu usé qu’il ouvrit d’un coup sec.  Il en sortit, avec mille précautions, un instrument qu’il caressa du bout des doigts.  Il retira ensuite de l’étui quelque chose qui, de loin et dans la pénombre, ressemblait à un bâton.  Il le caressa doucement. Il plaça ensuite l’instrument sous son menton et se mit à jouer : « Trois caprices pour violon solo » œuvre dédiée à Niccolo Paganini, le plus grand violoniste italien. Les notes de musique qui s’échappèrent du violon se répandirent dans l’air tiède et vicié de la station de métro.  Bientôt, elle en fut toute remplie. Les gens commençaient à affluer.  Des gens pressés qui ne prenaient pas attention aux notes qui s’égrenaient.  Déjà une dizaine de personnes étaient passées près de lui. Aucune ne lui avait prêté le moindre regard, aucune n’avait écouté la  moindre note.  L’homme jouait sans partition, d’une manière exceptionnelle mais, ça, personne ne s’en rendait compte. A un moment, une tête apparut à la porte des toilettes. « Madame pipi » s’était rendu compte de quelque chose et elle voulait savoir d’où venait cette musique.  Elle vit l’homme installé loin de toute source lumineuse.  Elle n’était pas mélomane pour un sou, la brave Germaine.  Aussi, dès sa curiosité assouvie, elle retourna à ses mots-croisés, assise devant une assiette qui commençait à se remplir de piécettes. Le musicien continuait à jouer.  Une femme passa, tenant par la main un petit garçon qui ne devait pas avoir plus de 8 ans.  L’enfant s’arrêta, la musique charmait ses jeunes oreilles.  Il trouva cela beau, tout simplement beau.  Il sourit au musicien qui lui fit un clin d’œil. « Man, une pièce pour le musicien, s’il te plait ! - Pas le temps ! Allez, viens ou on sera en retard ! » Le garçon s’éloigna à regret. Un mendiant, sale, déguisé en épouvantail passa.  Il s’arrêta, écouta le morceau qu’il trouva sublime ! Il sortit une pièce de sa poche et la déposa sur le sol, aux pieds du musicien.  L’homme n’avait pas songé à placer un récipient pour récolter l’argent qu’on voudrait bien lui donner. « Tu joues pas mal ! dit le mendiant. C’est pas que j’m’y connais mais ta musique est celle des anges ! » Le mendiant fut suivi par un petit garçon.  Il ressemblait très fort au premier : même âge, même air polisson, même mèche rebelle qui lui tombait dans les yeux.  C’est la musique qui l’avait attiré là.  Il s’assit par terre à deux pas du musicien et se gava de musique.  Des étoiles voltigeaient dans la pénombre, des anges blancs planaient au-dessus du musicien. Eux aussi avaient été attirés par cette mélopée extraordinaire.  Ils écoutaient en silence. Tout à coup, la musique s’arrêta ; étoiles et anges disparurent.  Le petit garçon se leva et s’approcha de l’homme. « Tu t’appelles comment ? - Andreï… - Andreï, c’est un drôle de nom ! Moi, c’est Kevin. - Bonjour Kevin.  Elle t’a plu ma  musique ? - T’as un drôle d’accent ! Tu viens d’où ? - De Russie… - C’est loin, la Russie ? - Très loin ! Elle t’a plu ma musique ? - Tu viens du même pays que lui ? demanda le garçon en montrant du doigt une affiche placardée sur une colonne et qui annonçait un concert pour le lendemain. - Oui, nous venons du même endroit. Tu aimes la musique, Kevin ? - Lui aussi, il s’appelle Andreï … Andreï Svet-la-nov, déchiffra le garçonnet qui ne répondait à aucune question. » « Kevin ! dit une voix pleine de reproches.  Je t’ai déjà dit de ne pas parler aux inconnus, continua la mère du petit garçon en l’entrainant loin du musicien.  C’est malsain le métro, tu pourrais attraper des maladies. - Tu sais, maman, le monsieur, il joue superbement du violon ! - Demain, je t’emmène assister à un concert donné par un grand violoniste russe : Andreï Svetlanov. Tu verras ce que c’est qu’un grand musicien ! » La mère et l’enfant disparurent dans le métro. Le violoniste se remit à jouer. En fin de journée, le musicien avait récolté 7,25 €, à peine de quoi se payer une bouteille de rouge ! Il remballa son instrument avec soin et sortit de la station de métro. En franchissant la porte, il fit glisser les pièces récoltées en une journée dans la poche du mendiant qui ne s’en aperçut pas. Le lendemain soir, le violoniste du métro jouait devant un public émerveillé les « Trois caprices pour violon solo ». La salle était comble !  Le concert se jouait à guichets fermés. Au troisième rang se trouvait Kevin qui le reconnut dès les premières mesures. «  Maman, c’est le monsieur du métro… - Chut ! Tais-toi et écoute ! - Mais maman … - Chut, je te dis ! Ferme les yeux et laisse-toi emporter par la musique… » Personne, dans la station sombre du métro bruxellois n’avait reconnu le grand Andreï Svetlanov qui se prêtait à une expérience et jouait avec son Stradivarius, instrument estimé à 2,7 millions d’euros ! Les gens qui l’acclamaient dans la salle étaient peut-être passés à côté de lui, la veille, sans lui prêter la moindre attention. Certains lui avaient peut-être laissé une pièce de 50 centimes ! Et, aujourd’hui, ils n’avaient pas hésité à débourser la somme de 82€ pour l’applaudir.  De quoi se poser quelques questions sur la nature humaine !

Pas toujours possible de comprendre la nature humaine n'est-ce pas?

Il parait que Lara Fabian s'est prêtée au même jeu et le résultat fut le même. Pourquoi? Qu'est-ce qui nous empêche de voir la réalité telle qu'elle est? Le conditionnement?

Cette année, je ne peux pas participer au concours "La fureur de lire". Le règlement précise que les participants ne peuvent pas avoir publié un bouquin. Tant pis pour moi!

La citation du jour : Dieu aima les oiseaux et inventa les arbres. L'homme aima les oiseaux et inventa les cages. (Jacques Deval)

Comments

[Ptitsa*]

J'ai du mal à te donner mon avis sur cette nouvelle, car je me souviens encore de la video dont elle est tirée (je l'avais reçue par mail) et du coup, quand je te lis, les images du film affluent et je ne sais plus trop ce qui vient de ton texte et ce qui surgit de ma propre mémoire... glups.
Dramatiquement parlant, je trouve que la fin est un peu de trop et pour ma part, j'aurais préféré qu'il n'y ait pas cette morale, parce que je trouve qu'elle est déjà dans l'histoire elle même et que la formuler ne lui ajoute rien. J'aurais préféré que ça s'arrête plus abruptement avec la remarque du petit garçon et la réponse de sa mère. Quelque part, c'est encore plus percutant ainsi, pour moi en tout cas...
Je pense aussi qu'un virtuose n'ouvrirait pas la boite de son Stradivarius 'd'un coup sec', mais plutôt avec douceur et respect...

Sinon, c'est très bien ficelé comme d'hab, tu campes la scène avec ton efficacité habituelle et je suis sûre qu'on se projette dedans même sans avoir vu le film... et là, du coup, je ne trouve plus rien à redire !! Bravo Phil !

[mimou]

bonjour Philippe,

j'ai beaucoup apprécié ta nouvelle : elle est tellement vraie de réalité.

Merci à toi de l'avoir partagée avec nous.

Amitiés
Mimou

[mamdany44]

Une trés belle nouvelle qui me rappelle le dernier film que je viens de voir "le hérisson" Tellement de gens ne "voit" que l'apparence sans "regarder" la personne qui est derriere ! ! Continue à écrire comme tu l'aimes , ce que tu aimes Bonne soirée Bises Danielle

[caro]

j'ai adoré ta nouvelle , ces vrai que tous le monde est pressés et passe surement a coté de certaines choses !

[DD]

j'ai adoré lire ton histoire philippe, elle est très bien racontée, oui !
"l'habit ne fait pas le moine" ... la preuve !
bonne soirée philippe, bises